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Le Papier des Ondes

Charlie, putain 10 ans !

"Je suis Charlie", slogan créé par Joachim Roncin et devenu un symbole des manifestations de janvier 2015

"Je suis Charlie", slogan créé par Joachim Roncin et devenu un symbole des manifestations de janvier 2015

Il est de ces jours qui resteront gravés à jamais dans la mémoire collective. Le 7 janvier 2015 est assurément l'un de ceux-là. Qui ne se souvient pas de ce qu'il faisait et où il était lorsqu'il a appris la terrible nouvelle de l'attentat contre Charlie Hebdo ? Ce qui nous semblait impensable venait de se produire et la France plongeait alors sans le savoir dans une année tragique, marquée dans les jours qui suivent puis à nouveau en novembre par la barbarie islamiste.

Après la mort de Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous et Wolinski*, la France s'est soudain réunie autour d'une fraternité retrouvée et d'une volonté farouche de défense de la liberté d'expression. Mais, dix ans plus tard, que reste-t-il de "Je suis Charlie" ?

Charlie est resté Charlie...

Début 2015, Charlie Hebdo n'était pas au mieux, subissant comme beaucoup la crise de la presse papier. Un appel aux dons avait même était lancé pour ne pas mettre la clé sous la porte. L'attentat dont l'hebdomadaire a été victime aurait pu lui être fatal mais, tel un phœnix, Charlie s'est relevé et s'est reconstruit. De par l'envie des survivants d'abord, celle de ne pas céder à la peur, celle aussi de "poursuivre le travail de [leurs] amis assassinés" comme l'évoque la dessinatrice Coco, mais également grâce au soutien des lecteurs, anciens comme nouveaux, qui ont acheté le journal satirique en nombre. Le numéro des "survivants", paru seulement une semaine après l'attentat, est l'exemple même de la volonté de fer qui a animé la rédaction de Charlie Hebdo. Et de l'engouement autour d'elle, puisque le numéro en date du 14 janvier 2015 s'est vendu à plus de sept millions d'exemplaires. Un record, évidemment.

Dix ans après, Charlie est toujours là, n'a rien perdu de son esprit et, s'il y en a qui ont rangé leur plume ou leur crayon, les rescapés sont encore bien présents et font vivre ce symbole de la liberté d'expression. Charlie Hebdo continue de choquer certains en 2025 et c'est peut-être la meilleure nouvelle qui soit.

Une du n°1694 de Charlie Hebdo en date du 7 janvier 2025

Une du n°1694 de Charlie Hebdo en date du 7 janvier 2025

...mais la liberté d'expression en a pris un coup

De l'aveu même de dessinateurs de presse, la peur s'est tout de même emparée de la profession. Qui aurait pu imaginer que l'on meurt en France pour un dessin ? Pour France Info, plusieurs d'entre eux évoquent cet après 7 janvier 2015. C'est le cas de Damien Glez, dont la "principale crainte, c'est que [son] dessin soit mal compris." Pour Olivier Ménégol, "les terroristes ont tout à fait gagné" et les dessinateurs font "des dessins beaucoup plus consensuels". Visant trouve quant à lui "que les médias qui se pré-censurent [...] font le jeu de toutes les tyrannies". Allant dans le même sens, Kak estime qu'il n'a "pas à [se] brider", avant de poursuivre sur la "haine sur les réseaux sociaux, qui peut pousser certains à se censurer. Parce que prendre des tempêtes de merde avec des menaces de mort, on n'en sort pas indemne."

Il est vrai que les réseaux sociaux, s'ils étaient déjà bien implantés en 2015, ont explosé en dix ans et, avec eux, le cyberharcèlement. La montée des idées réactionnaires s'est elle aussi largement amplifiée en une décennie et il est difficile de prédire si l'ampleur du soutien à Charlie Hebdo aurait été la même aujourd'hui. N'oublions pas que les partis d'extrême droite avaient à l'époque, et à juste titre, été mis au ban des marches républicaines des 10 et 11 janvier. On se souvient aussi d'un certain JMLP - détail de l'histoire - qui avait déclaré ne pas être Charlie. Sa disparition ce 7 janvier 2025 est peut-être le plus beau cadeau qui pouvait être fait aux survivants de Charlie Hebdo.

Longue vie Charlie et longue vie à la liberté d'expression !

Antoine Rogissard

*sans oublier Clarissa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab et François-Michel Saada

Charlie a nouveau frappé par le deuil en 2024

Le 17 octobre dernier, Simon Fieschi a été retrouvé mort à Paris, il avait 40 ans. Pour beaucoup, il restera la treizième victime de l'attentat contre Charlie Hebdo, lui qui était en 2015 webmaster de l'hebdomadaire.

Présent dans les locaux du journal le 7 janvier, il avait été touché et avait perdu l'usage de ses mains et de ses jambes. Lors du procès de 2020, il avait déclaré à la barre "cette balle ne m'a pas raté, mais elle ne m'a pas eu." Une phrase était aussi ressortie de son discours : "ça paraît idiot, mais je ne peux plus faire de doigts d'honneur, parfois ça me démange." Son dernier doigt d'honneur, c'est Charlie Hebdo qui lui offrira, à l'occasion du n°1683 du mercredi 23 octobre 2024 lui rendant hommage.

AR

 

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